Être là
Hélène Constantin est formée en physiothérapie et en philosophie, mère au foyer et catéchiste.
Photographe familiale, elle est maman de quatre enfants et mariée à Nicolas.
Il y a quelques mois, je participais au lavement des pieds du jeudi saint, au côté de ma fille de 10 ans. Touchée de la voir se faire laver les pieds avec les larmes aux yeux, je fus surprise, quand est venu mon tour, de moi aussi être très émue par ce geste doux et délicat de la part du Seigneur. J’ai été saisie.
Et puis, il y a quelques semaines, je me suis mise à interrompre ce que j’étais en train de faire dans la maison pour observer en silence mon fils de 2 ans qui faisait un puzzle. Il emboîtait avec beaucoup de concentration les pièces. J’approchais mon visage de lui, sans rien dire, pour l’admirer. Il était mignon à croquer. Puis soudain, il m’a regardée et m’a dit : « Je sais que tu m’aimes maman. Moi aussi je t’aime ». Et là, à nouveau, je fus saisie.
Instants d’éternité
Est-ce que cela vous arrive aussi, le temps d’un instant, d’être pris par ce que vous êtes en train de voir, de toucher, de sentir, de goûter, d’entendre ? Vous savez, ces instants suspendus où on a l’impression de percevoir l’éternité à travers nos sens ? On ne voit pas Dieu bien sûr, on ne Le touche pas, mais par nos sens, on Le perçoit. Le temps d’un instant. Ces instants, que j’aime appeler « instants d’éternité », comblent notre âme. C’est comme si on prenait du recul par rapport à la réalité et qu’on la laissait nous élever.
Cette rencontre du monde créé est-elle réservée à quelques chanceux ? Et si au contraire tout était donné à tous ? Là. Maintenant : « Tout sur terre nous interpelle, nous hèle, mais si finement que nous passons mille fois sans rien voir. » Ch. Singer.
L’éternité, c’est maintenant
Si tout nous est donné dans le présent, alors cela signifie que l’éternité n’est peut-être pas uniquement ce temps après la mort, mais aussi l’irruption de Dieu dans chaque instant. Peut-être sommes-nous en fait déjà dans l’éternité : « Cette certitude que tout, aussi minime en apparence et à chaque instant, puisse être relié à la face cachée du monde, transforme radicalement la vie…Cette manière d’être au monde m’est familière, elle m’était naturelle quand j’étais enfant. Tous mes sens étaient en alerte car à tout moment cela pouvait surgir et me rejoindre ; dans un tas de feuilles mortes sous un platane, dans l’eau noire de l’encrier, dans les poches du tablier, sous le préau de la cour, au fond d’une boîte remplie de boutons de nacre chez la mercière. À tout moment quelque chose d’insaisissable pouvait sourdre et me revêtir d’un frisson » Ch. Singer.
L’éternité est peut-être instantanée, mais alors pourquoi ne le percevons nous si peu ? Pour ma part, cette saisie est liée à ma capacité de faire les choses lentement. « Le monde a tué la lenteur. Il ne sait plus où il l’a enterrée » écrit Ch. Bobin. Si je reste aspirée par mon quotidien de maman, je ne saisis rien d’autre que le bruit, la fatigue, les agacements, et tout ce qu’il y a encore à faire avant ce soir. Mais si je m’arrête, si je décide de faire les choses lentement, et si je décide d’alléger mon quotidien, alors je me rends disponible. Je me mets dans un état qui me permet de percevoir Dieu par le réel.
La grâce est percevante
Alors tout change. Tout le rapport à la réalité change. On ne comprend pas, mais on saisit. On Voit. On Sent. On Goûte. On Touche. Dieu se laisse percevoir. Dieu laisse percevoir Ses émotions à travers les nôtres. Dieu laisse percevoir ce qu’Il ressent à travers mes sens. La grâce est percevante. Dieu est là, non pas devant moi, mais en moi, et surtout par moi. Toute la différence est là. Par moi. Je ne Le vois pas, mais je vois par Lui. Je ne Le sens pas, mais je sens par Lui. Je ne connais pas Ses émotions, mais je Les vis par le réel.
« Dans tous ces instants où je suis « touchée », Dieu est au rendez-vous. Dieu ou comme vous préférez : cette mémoire haute qui m’habite ! L’écho du logion 77 de saint Thomas : « Je suis partout. Quand tu vas pour couper du bois, je suis dans le bois. Quand tu soulèves la pierre, je suis sous la pierre… » Non pas : je suis le bois, je suis la pierre, mais chaque fois que tu es là, vraiment là, absorbé par la rencontre du monde créé, alors je suis là ! Là où tu es, dans la présence aigüe, je suis aussi. Etre là ! Le secret. Il n’y a rien d’autre. Il n’est pas d’autre chemin pour sortir des léthargies nauséabondes, des demi-sommeils, des commentaires sans fin, que de naître enfin à ce qui est. » Ch. Singer
Laisse Dieu être Dieu en toi
Cet état de grâce qui permet de percevoir, cette façon d’être au monde, c’est en fait ce que nous ressentons lorsque nous laissons Dieu être Dieu en nous. Il n’y alors plus qu’à être là et à vivre l’éternité chaque jour, avec légèreté et gratitude, comme un art : « Cet art qui est le plus grand des arts : jouir de l’éternel en prenant soin de l’éphémère. » Ch. Bobin
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Consentir au réel et rendre grâce
Comment garder le cap de l’espérance quand l’espoir d’une amélioration de la situation sanitaire s’effrite de semaines en semaines ? Et si cette situation allait encore durer plusieurs mois ? Où trouver la force de tenir face à un réel si contraignant et frustrant, qui ne correspond pas vraiment à nos plans et projets ?
Et c’est reparti… pour le Ciel !
Pas de doute : nous sommes à la rentrée. La preuve ? j’ai passé ma journée à étudier mon agenda familial pour essayer de caser toutes les activités de chacun, trouver des solutions de garde, m’organiser avec les voisins, agender, et stresser.
Pardonner. Quand même.
Cette année, en préparant des enfants au sacrement du pardon comme catéchiste, je me suis retrouvée face à un cas de conscience : comment expliquer la beauté du pardon aux enfants, l’importance de se remettre en question et de pardonner, alors que moi-même, je me retrouve bloquée dans une situation blessante dans laquelle il m’est si difficile de pardonner ?
Tenir le cap
Si on m’avait dit en mars dernier qu’on en serait encore là un an après, je me serais assez vite découragée… Comme c’est long. Bientôt un an qu’on est confinés, semi-confinés, dé-confinés, et là, disons-le on commence à être découragés. Alors comment tenir le cap ?
Être là
Hélène Constantin est formée en physiothérapie et en philosophie, mère au foyer et catéchiste. Photographe familiale, elle est maman de quatre enfants et mariée à Nicolas.
Et puis, il y a quelques semaines, je me suis mise à interrompre ce que j’étais en train de faire dans la maison pour observer en silence mon fils de 2 ans qui faisait un puzzle. Il emboîtait avec beaucoup de concentration les pièces. J’approchais mon visage de lui, sans rien dire, pour l’admirer. Il était mignon à croquer. Puis soudain, il m’a regardée et m’a dit : « Je sais que tu m’aimes maman. Moi aussi je t’aime ». Et là, à nouveau, je fus saisie.
Instants d’éternité
Est-ce que cela vous arrive aussi, le temps d’un instant, d’être pris par ce que vous êtes en train de voir, de toucher, de sentir, de goûter, d’entendre ? Vous savez, ces instants suspendus où on a l’impression de percevoir l’éternité à travers nos sens ? On ne voit pas Dieu bien sûr, on ne Le touche pas, mais par nos sens, on Le perçoit. Le temps d’un instant. Ces instants, que j’aime appeler « instants d’éternité », comblent notre âme. C’est comme si on prenait du recul par rapport à la réalité et qu’on la laissait nous élever.
Cette rencontre du monde créé est-elle réservée à quelques chanceux ? Et si au contraire tout était donné à tous ? Là. Maintenant : « Tout sur terre nous interpelle, nous hèle, mais si finement que nous passons mille fois sans rien voir. » Ch. Singer.
L’éternité, c’est maintenant
Si tout nous est donné dans le présent, alors cela signifie que l’éternité n’est peut-être pas uniquement ce temps après la mort, mais aussi l’irruption de Dieu dans chaque instant. Peut-être sommes-nous en fait déjà dans l’éternité : « Cette certitude que tout, aussi minime en apparence et à chaque instant, puisse être relié à la face cachée du monde, transforme radicalement la vie…Cette manière d’être au monde m’est familière, elle m’était naturelle quand j’étais enfant. Tous mes sens étaient en alerte car à tout moment cela pouvait surgir et me rejoindre ; dans un tas de feuilles mortes sous un platane, dans l’eau noire de l’encrier, dans les poches du tablier, sous le préau de la cour, au fond d’une boîte remplie de boutons de nacre chez la mercière. À tout moment quelque chose d’insaisissable pouvait sourdre et me revêtir d’un frisson » Ch. Singer.
L’éternité est peut-être instantanée, mais alors pourquoi ne le percevons nous si peu ? Pour ma part, cette saisie est liée à ma capacité de faire les choses lentement. « Le monde a tué la lenteur. Il ne sait plus où il l’a enterrée » écrit Ch. Bobin. Si je reste aspirée par mon quotidien de maman, je ne saisis rien d’autre que le bruit, la fatigue, les agacements, et tout ce qu’il y a encore à faire avant ce soir. Mais si je m’arrête, si je décide de faire les choses lentement, et si je décide d’alléger mon quotidien, alors je me rends disponible. Je me mets dans un état qui me permet de percevoir Dieu par le réel.
La grâce est percevante
Alors tout change. Tout le rapport à la réalité change. On ne comprend pas, mais on saisit. On Voit. On Sent. On Goûte. On Touche. Dieu se laisse percevoir. Dieu laisse percevoir Ses émotions à travers les nôtres. Dieu laisse percevoir ce qu’Il ressent à travers mes sens. La grâce est percevante. Dieu est là, non pas devant moi, mais en moi, et surtout par moi. Toute la différence est là. Par moi. Je ne Le vois pas, mais je vois par Lui. Je ne Le sens pas, mais je sens par Lui. Je ne connais pas Ses émotions, mais je Les vis par le réel.
« Dans tous ces instants où je suis « touchée », Dieu est au rendez-vous. Dieu ou comme vous préférez : cette mémoire haute qui m’habite ! L’écho du logion 77 de saint Thomas : « Je suis partout. Quand tu vas pour couper du bois, je suis dans le bois. Quand tu soulèves la pierre, je suis sous la pierre… » Non pas : je suis le bois, je suis la pierre, mais chaque fois que tu es là, vraiment là, absorbé par la rencontre du monde créé, alors je suis là ! Là où tu es, dans la présence aigüe, je suis aussi. Etre là ! Le secret. Il n’y a rien d’autre. Il n’est pas d’autre chemin pour sortir des léthargies nauséabondes, des demi-sommeils, des commentaires sans fin, que de naître enfin à ce qui est. » Ch. Singer
Laisse Dieu être Dieu en toi
Cet état de grâce qui permet de percevoir, cette façon d’être au monde, c’est en fait ce que nous ressentons lorsque nous laissons Dieu être Dieu en nous. Il n’y alors plus qu’à être là et à vivre l’éternité chaque jour, avec légèreté et gratitude, comme un art : « Cet art qui est le plus grand des arts : jouir de l’éternel en prenant soin de l’éphémère. » Ch. Bobin