Et l’affection dans tout ça ?
Caroline Baertschi travaille pour le Service Catholique de Catéchèse de Genève et comme formatrice Godly Play ®
Elle est mariée, mère de deux adultes, grand-maman et auteure du livre « Les enfants, portiers du royaume »
Jésus embrassait les enfants et
les bénissait en eur imposant les mains (Marc 10, 16)
En cette rentrée scolaire, si particulière à cause de la Covid et des mesures qui l’entourent, je repense à quelques scènes de ma vie quotidienne en famille pendant l’été.
Lorsque mes petits-enfants pleurent, je les prends dans mes bras, les console et les rassure en les embrassant, les berçant, les gardant tout contre moi. C’est un besoin primordial du bébé que d’être touché, caressé, embrassé pour prendre conscience de sa personne, du monde qui l’entoure. Et cela reste important tout au long de l’enfance et … toute la vie !
Lorsque l’un ou l’autre se donne un coup ou se fait une petite blessure, je souffle sur l’emplacement, j’y donne un bisou avant de poser la crème ou le sparadrap. L’enfant est reconnu dans sa douleur ou sa peur et le soin émotionnel a autant d’importance que le corporel pour l’aider à se calmer.
Lorsque je raconte une histoire avec un livre, mes petits-enfants se serrent contre moi ou montent sur mes genoux. Ils veulent bien voir les images bien sûr mais ils recherchent aussi le contact physique.
Lorsque nous faisons une promenade, j’observe que les enfants marchent en touchant les herbes et les fleurs en passant. Ainsi, ils explorent et découvrent le monde avec tous leurs sens.
Si nous traversons un pré avec des vaches, les enfants viennent prendre la main des adultes pour se rassurer, se sentir protégés. Je me surprends à faire la même chose, instinctivement, en cherchant la main de mon mari…
Avec leur grand-père, les enfants aiment jouer à « faire les fous-fous » ou à « la bagarre ». Ils se montent dessus, roulent les uns sur les autres en riant aux éclats.
Le sens du toucher est vital
Sans doute que beaucoup de familles se reconnaîtront dans ces faits, et pourraient en raconter bien d’autres. Tous montrent à quel point le sens du toucher est vital, essentiel dans nos relations humaines. Car ce qui est vrai pour les enfants l’est aussi pour les adultes.
Nous avons besoin du toucher pour entrer en relation, nous consoler, nous situer dans l’espace, l’habiter, nous sentir en sécurité, nous sentir vivants. N’est-ce pas ce que nous observons lorsque les jeunes organisent des soirées malgré l’interdiction pour se rencontrer, danser, se frotter ? N’est-ce pas là un élan de vie qui s’exprime ?
Les neurosciences nous disent que l’affection et la tendresse stimulent les fonctions cognitives du cerveau : ces capacités qui nous permettent notamment de communiquer, de percevoir notre environnement, de nous concentrer, de nous souvenir d’un événement ou d’accumuler des connaissances. Ainsi nous avons aussi besoin du toucher pour mieux apprendre !
Dans les Evangiles, Jésus n’arrête pas de toucher les gens, et les gens le cherchent pour être touchés par lui. Et lorsqu’il s’approche d’eux, ils sont touchés dans leur cœur et dans leur corps. Jésus rabroue ses disciples lorsqu’ils veulent empêcher les enfants de s’approcher de lui puis il les embrasse et les bénit en leur imposant les mains (Mc 10,13-16). Il ne se contente pas de sourire à distance, de guérir uniquement par sa parole. Il répond simplement au besoin humain vital d’être touché.
Grandir en temps de restrictions sanitaires
A l’heure de la Covid et des restrictions sanitaires, je me demande si nous n’allons pas à l’encontre d’un besoin humain fondamental en ne pouvant plus se toucher, en devant garder ses distances avec les autres par mesure de protection ?
Je ne remets pas en questions ces pratiques nécessaires actuellement mais je m’inquiète : comment les enfants sont-ils en train de grandir dans ce contexte social habité par des peurs ? Peur de la maladie mais plus grave encore, peur de l’autre. Inconsciemment ou non, le premier regard posé sur la personne rencontrée n’est-il pas chargé de suspicion et de méfiance ? L’autre n’est-il pas considéré d’abord comme une menace potentielle ? Pourtant toute rencontre humaine ne devrait-elle pas être basée sur la confiance et la bienveillance ?
Je crois que pour vivre avec cette tension, il est nécessaire d’en prendre conscience et d’en parler avec les enfants, les jeunes, et même entre adultes !
Et en ce qui concerne le toucher, profitons des petits cercles familiaux pour privilégier encore plus les gestes d’affection et de tendresse, surtout auprès des enfants.
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Une invitation à jouer avec Dieu : Godly Play
Ce pasteur pensait qu’il devait être possible d’encourager les enfants à construire leur propre sens de Dieu
Les enfants et le jeu
Vouloir soutenir la spiritualité de l’enfant, c’est aussi lui permettre de jouer. Bien sûr, jusqu’à l’âge de rentrer à l’école, les enfants passent leur temps à jouer. Mais ensuite ? et de quel JEU parle-t-on ?
les enfants et le jeu
Caroline Baertschi-Lopez travaille pour le Service Catholique de Catéchèse de Genève et comme formatrice Godly Play ® Elle est mariée, mère de deux adultes, grand-maman et auteure du livre « Les enfants, portiers du royaume »
Vouloir soutenir la spiritualité de l’enfant, c’est aussi lui permettre de jouer. Bien sûr, jusqu’à l’âge de rentrer à l’école, les enfants passent leur temps à jouer. Mais ensuite ? et de quel JEU parle-t-on ?
Il est fondamental
Des recherches présentées par Winnicott montrent que le jeu est fondamental à l’humanité. Ce sont même tous les mammifères qui continuent à jouer depuis des millénaires ! Entendons-nous bien : il s’agit du jeu amusant ; qui procure du plaisir ; sans viser un résultat : jouer « parce que ». Le jeu contribue à la créativité et peut emmener dans une profonde concentration. Et lorsque l’enfant est perdu dans son jeu, absorbé à sa tâche cela l’aide à gérer la tension entre sa réalité intérieure et la réalité extérieure. Le jeu sert de transition entre ce que vit l’enfant et le monde dans lequel il évolue, il l’aide à s’approprier son environnement. Il expérimente ce qui est « moi » et « non-moi », ainsi que des sensations, des émotions de la vie à travers le jeu. Et lorsqu’un enfant tout à coup envoie tout en l’air, c’est qu’il atteint une limite et n’arrive plus gérer l’émotion suscitée par le jeu.
Jeu et spiritualité
Jouer à « si j’étais » prépare l’enfant aux rôles sociaux et à l’apprentissage des langages. Le jeu est un acte volontaire, on ne peut obliger personne à jouer : l’enfant fixe lui-même les limites de son jeu et il y met fin quand il veut. Avec le jeu, les enfants explorent leurs questions existentielles comme la solitude, la mort, la souffrance, la guerre. Jouer donne une place à la vie intérieure, à sa propre intimité qui permet de s’ouvrir aux relations avec soi-même, avec Dieu, avec les autres, avec la nature. Jouer favorise la spiritualité.
Nous rendons-nous compte de l’importance de laisser les enfants jouer ? De jouer seuls ? De les regarder jouer et de nous émerveiller ?
Parfois les enfants aiment tellement jouer qu’ils vont manger rapidement, ou peu, pour pouvoir retourner au plus vite à leur activité préférée.
Entrer dans le jeu ?
Parfois, les enfants aimeraient continuer à jouer… en mangeant. Pourtant, n’avons-nous pas l’habitude de leur dire « on ne joue pas en mangeant » ? Que de bagarres nous voyons autour des repas avec les enfants qui ne veulent pas manger… Et si nous entrions avec eux dans le jeu ? Si nous aidions ces enfants à mieux vivre le moment du repas ? Ne retrouveraient-ils pas le plaisir de se nourrir ? D’ailleurs qui n’a pas fait « l’avion » avec une cuillère pour que le bébé ouvre la bouche et accepte la bouchée ? Ou quel parent n’a pas dit « une cuillère pour maman, une cuillère pour papa, une cuillère pour… » ? Cela implique de prendre du temps. Les parents le font avec les bébés mais dès que les enfants savent manger seuls, on devient plus exigeants. Pourquoi ne pas continuer encore quelques temps ? Tant que l’enfant en a besoin ?
Mon petit-fils
Mon petit-fils a quatre ans et il fait partie de ces enfants plus intéressés par le jeu que par la nourriture. Et depuis qu’il est tout petit, lorsque nous mangeons ensemble, nous jouons. Les assiettes joliment décorées, prévues pour les enfants, lui donnent des idées… Une fois, il me montre l’un ou l’autre des objets dessinés et demande que je chante quelque chose sur chacun. Après chaque chansonnette (souvent inventée !), il avale une cuillère. Une autre fois, je dois dire ce que je vois sur son assiette, et lorsqu’il me montre le dessin, il prend une bouchée. Et il ne se lasse jamais. Bien sûr il sait très bien s’arrêter aussi, quand il n’a plus faim, et pas parce qu’il veut retourner jouer.
dans la bible
Et dans la Bible que trouvons-nous sur le jeu et les enfants ?
Quand la Sagesse elle‐même est comparée à un enfant qui joue joyeusement devant Dieu (Proverbes 8,30), cela relie notre nature créative à notre sagesse ludique. Quand le prophète Zacharie (8,5) nous annonce qu’à la venue de Dieu à Jérusalem, hommes et femmes âgés seront à nouveau assis calmement dans la rue et que «la ville sera pleine de filles et de garçons jouant dans ses ruelles», nous savons que le jeu fait partie de cette communauté idéale
Je me demande de quelle manière peut-on jouer avec Dieu ?
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Bibliographie :
Berryman Jerome W., Pratiquer Godly Play, accompagner le développement spirituel de l’enfant, édition française à paraître, 2019.
Winnicott Donald W., Jeu et réalité, Gallimard, 1971, traduction française 1975.