3 clés pour l’éducation chrétienne
Matthias Rambaud est marié à Régine. Papa de deux enfants, il est animateur pastoral et étudiant en théologie.
Beaucoup de parents de ma génération s’interrogent comme moi sur la transmission de la foi en famille. Comment bien faire, alors que beaucoup ont échoués avant nous ? Sommes-nous voués à trembler en espérant que nous enfants resteront chrétiens ? Devons-nous abandonner, redoubler de prières, transmettre des valeurs immuables ou apprendre la piété à nos bambins agités ? En bref, quelle est notre mission de parents chrétiens et surtout comment la mener à bien ?
1 – Former des disciples
Pour tenter de répondre à la question, je me suis d’abord tourné vers la finale de l’Évangile de saint Matthieu qui nous livre la mission de l’Église : « Allez, formez de toutes les nations des disciples, les baptisant au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, et en leur enseignant à observer tout ce que je vous ai prescrit. » (Matthieu 28, 19-20). Il est intéressant de noter que dans le texte grec, seul le verbe former (mathèteusate) est à l’impératif dans ce passage. La formation de disciples est partie intégrante de toute vie chrétienne ! Notre mission de parents chrétiens est donc de former des disciples au sein de notre famille. C’est la première clé de l’éducation chrétienne. Mais qu’est-ce qu’un disciple ?
Il y a certainement plusieurs manières de donner une définition, mais en m’appuyant sur l’approche de plusieurs auteurs, je vous propose deux versets bibliques pour cela :
Le premier est « Ainsi donc, celui qui ne renonce pas à tout ce qui lui appartient, ne peux pas être mon disciple » Lc 14, 33
Le deuxième est « Venez à ma suite et je ferai de vous des pécheurs d’hommes » Mt 4, 19
En d’autres mots, nous pouvons dire que les parents chrétiens sont invités à faire entrer leurs enfants dans une relation d’amitié et d’intimité profonde avec Jésus, afin qu’ils puissent l’aimer et marcher à sa suite tous les jours de leur vie.
2 – Favoriser l’imitation
Lorsque je regarde mes filles, j’ai très souvent une impression de déjà-vu… elles ont les yeux de maman et la bouche de papa ! Mieux encore, elles imitent leur mère et… elles m’imitent aussi ! Alors que notre première avait deux ans, elle aimait demander à mon épouse : « comment ça va ma femme ? ». En fait, elle ne faisait que reproduire le comportement exact de son père ! Parfois, l’imitation est plus cocasse quand l’enfant reproduit un tic de langage ou reproduit à l’identique les gestes de ses parents. Bref, l’enfant doit nous imiter pour grandir et apprendre, mais il nous imite aussi parce qu’il nous aime et qu’il est intimement lié à nous : son envie de nous ressembler est viscérale. Lorsque j’étais éducateur en foyer, j’ai vu des enfants courir se cacher sous leur lit pour ne pas voir leur père dont ils avaient peur, alors qu’ils avaient passé leur semaine à essayer de les imiter en leur absence.
Saint Paul, devenu apôtre de Jésus sur le tard, nous sert sur un plateau ce qui semble être la clé de la formation de disciple et donc… de toute éducation chrétienne. C’est notre deuxième clé de l’éducation chrétienne : « imitez-moi alors que j’imite le Christ » (1 Co. 11, 1) ! Paul ne parle pas en l’air, car c’est sur ce modèle de formation qu’il a mis tous ses efforts missionnaires. Dans le Nouveau Testament, il demande non moins de sept fois aux disciples qu’il forme, de reproduire ce qu’il accomplit lui-même en leur présence, alors qu’il imite le Christ. C’est énorme ! Donc de deux choses l’une… soit saint Paul à un égo démesuré et il faut le faire taire rapidement, soit il détient quelque chose d’unique et il faut l’écouter très attentivement.
Chers parents, demandons-nous ensemble : ma vie chrétienne est-elle intense et perceptible aux yeux de mes enfants, afin qu’ils puissent m’imiter alors que j’imite le Christ ? Ai-je une relation personnelle avec Jésus qui irradie l’ensemble de ma vie et de ma relation personnelle avec mes enfants, avec mon conjoint, avec mes proches ? Mgr Philippe Ouedraogo, qui est Archevêque de Ouagadougou, nous montre une voie toute simple : « La prière de Jésus manifeste une union de cœur constante avec son Père. Cette union comble son cœur d’homme car son Père est l’Amour de sa vie. Sa prière n’est qu’une manifestation de son Amour pour son Père et toute sa personne est tendue vers une seule chose : faire coïncider toute sa vie avec le vouloir de son Père… faire le bon plaisir de son Père en tout ! Il doit en être ainsi pour le disciple du Christ : manifester son amour pour Dieu par une vie de prière constante, une intimité profonde avec Dieu qui transforme et change sa vie ».
3 – Passer du temps
Paul nous demande à travers ses écrits de l’imiter encore aujourd’hui… alors qu’il imite le Christ ! C’est donc qu’il existe un modèle pédagogique de Jésus ! Vous me suivez ? Alors, comment Jésus s’y prend-il pour former des disciples ? En scrutant avec cette question sa vie publique, son approche formative relationnelle saute alors aux yeux : il choisit un petit nombre d’hommes (Lc 6, 13) qui vivent une grande proximité avec lui et tisse des relations d’amitié profonde avec Marthe, Marie et Lazare. Ils peuvent alors le voir à l’œuvre au quotidien, le connaître, l’aimer et l’imiter… Il est « le chemin, la vérité et la vie » (Jn 14, 5-6) et ils n’ont qu’à le voir vivre et agir au milieu d’eux pour apprendre à « connaître les mystères du Royaume de Dieu » (Luc 8, 10).
Quel est notre niveau de relation avec nos enfants ? Sommes-nous proches ? Nous laissons-nous connaître en profondeur par nos bambins et nous laissons-nous approcher et aimer par eux ? Un jour j’ai lu un livre qui parlait du « réservoir émotionnel » de l’enfant. En résumé, l’auteur explique que l’enfant porte en lui le désir d’être obéissant et agréable. Pour y arriver, son réservoir émotionnel doit être plein… Comment le remplir me direz-vous ? En passant beaucoup de temps de qualité avec l’enfant, en le regardant dans les yeux, en lui disant des paroles d’amour valorisantes et en le prenant dans ses bras. C’est amusant comme c’est proche du modèle relationnel de Jésus que l’on peut observer dans les Évangiles ! J’en fais moi-même régulièrement l’expérience après un grosse journée de travail alors que je rentre à la maison… Mes filles s’apaisent lorsque je m’arrête, leur consacre enfin du temps et de l’attention… que je les écoute, que je les regarde et que je joue avec elles, plutôt que de m’avachir dans un fauteuil ou de me laisser hypnotiser par mon smartphone. Leur réservoir émotionnel est passé de vide, à plein, grâce à un temps de relation privilégiée.
Lorsque j’avais dix-huit ans, Patrick, un ami très actif auprès des adolescents me disait « il faut gagner le droit d’être entendu ! ». Cette exhortation a longtemps habité ma vie d’éducateur et aujourd’hui éclaire mon chemin de père : l’écoute et l’affection d’un enfant n’est pas un dû envers l’adulte que nous pouvons froidement exiger. C’est un défi humain, spirituel et affectif qui demande du temps, du respect et un investissement relationnel constant.
C’est notre troisième clé : passer du temps, scandaleusement beaucoup de temps avec ses enfants ! Pour être en relation avec eux, pour gagner le droit d’être entendus, mais surtout pour faire comme saint Paul qui imitait notre Maître : vivre avec eux, les connaître personnellement et les laisser nous connaître, afin qu’ils nous imitent alors que nous imitons le Christ. Voulez-vous essayer ?
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Je remercie tout particulièrement le Père Mario St-Pierre de m’avoir fait découvrir l’importance de la formation de disciple dans la vie de l’Église.
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