Le temps de prendre le temps

Hélène Constantin est formée en physiothérapie et en philosophie, mère au foyer et catéchiste.
Photographe familiale, elle est maman de quatre enfants et mariée à Nicolas.

État des lieux

Et moi qui croyais que j’étais sortie des grandes fatigues vécues après les naissances de mes 4 enfants… Voilà maintenant bientôt 3 semaines que nous sommes confinés chez nous… et bien c’est un peu comme si j’avais accouché d’un petit cinquième ! Mon mari doit en avoir marre que je lui réponde la même phrase tous les soirs, mais je n’en trouve pas d’autre : « je suis épuisée ». Il a d’abord fallu gérer les frustrations de chacun, après avoir pris mon courage à deux mains pour annoncer à l’une que sa première communion était reportée, à l’autre que son concours national de harpe pour lequel elle se prépare depuis 6 mois était annulé, à la troisième que non, on ne va pas aller ni à la piscine, ni skier, ni jouer avec la petite voisine. Voilà. Ça, c’était fait. J’ai alors pensé voir le positif : je vais pouvoir enfin trier, ranger, et lire. Je me suis donc fait une to do list de compet’, et me réjouissais de m’y mettre dès le lendemain. Ça, c’était en théorie. Après trois semaines à gérer ma compagnie créole, force est de constater 3 choses : ma to do list n’a pas avancée d’un poil. Je n’ai même plus le temps d’appeler une amie pour papoter. Et je suis littéralement crevée, entourée de mes 4 chérubins qui me demandent toutes les 6 min ce que je fais, pourquoi je le fais, et s’ils peuvent le faire avec moi.

Maman 100 profession(s)

On respire… tout va bien… ! Jusqu’au jour où les maîtresses ont commencé à envoyer le programme scolaire, semaine après semaine. Je suis donc mandatée par l’Etat pour remplacer les 4 maîtresses d’école : Il faut imprimer le programme, classer les matières par enfant, fixer des horaires, et passer sa journée à apprendre 7×8 et 6×9, se plonger dans la préhistoire (je déteste l’Histoire), expliquer la différence entre « ces » et « ses », apprendre à « écrire en lié », puis envoyer à chaque enseignante une photo du devoir sur le manchot empereur, une photo de la dictée, une photo de la leçon sur les tables de multiplication (je ne pensais pas les maîtriser à nouveau un jour !), une photo du pliage origami du jour, pour ensuite entendre sonner le natel toute la journée quand les maîtresses envoient les corrections de chaque exercice, qu’il faut ensuite montrer à l’enfant, et relire ses fautes avec chacun. Le tout, avec le petit dernier qui me tourne autour en me demandant de jouer à Croque-Carotte avec lui. Ben oui, il faut quand même un peu l’occuper : ce matin, pendant que ses sœurs travaillaient, il a eu la brillante idée de nettoyer les cailloux du jardin avec sa brosse à dents. Le pauvre, plus personne ne s’occupe de lui. Je vais m’arrêter là, et vous épargner mon agacement quand les profs de violon, de harpe et de piano s’y mettent aussi, en me demandant de les remplacer également !

Lâcher prise salutaire

Si seulement on savait pour combien de temps il fallait tenir… mais on ne sait même si ça va durer encore 2 semaines ou 2 mois. Je n’ai donc pas le choix : plus moyen de gérer et de maîtriser. Me voilà obligée de lâcher prise et de suivre les conseils de saint Matthieu : à chaque jour suffit sa peine. Ce n’est pas une méthode coué. C’est plutôt ce que le Seigneur m’appelle à faire depuis bien longtemps : arrêter de vouloir tout gérer, et Le laisser habiter mon quotidien. Lui Seul est mon appui, et c’est Lui qui me porte, en portant au passage mon sac à dos bien trop lourd pour moi. Cette période épuisante, est néanmoins magnifique : le temps d’oraison d’1h que j’arrive enfin (urgence oblige !) à prendre le matin avant le lever des enfants nourrit toute ma journée, que je passe alors en Sa Présence. Chaque heure, je Lui redis : « Seigneur, donne-moi la grâce de Te laisser être Dieu en moi. ». Et bien que je trouve cette « communion spirituelle » proposée par l’Eglise vraiment difficile à vivre, je peux me permettre de suivre de temps en temps la messe en semaine sur internet, ce qui n’était pas possible avant. Sainte Thérèse avait raison : Tout est grâce… Ce n’est pas une bonne période pour chercher à être reposée et détendue, on est bien d’accord. Mais quelle période idéale pour être présente à l’instant présent, et pour re-choisir chaque matin de laisser le Seigneur tout gérer, et s’appuyer sur Lui, et Lui seul. Il est venu le temps de se contenter d’être là, gratuitement, par amour. Et cela suffit.

Articles d’Hélène

Consentir au réel et rendre grâce

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Comment garder le cap de l’espérance quand l’espoir d’une amélioration de la situation sanitaire s’effrite de semaines en semaines ? Et si cette situation allait encore durer plusieurs mois ? Où trouver la force de tenir face à un réel si contraignant et frustrant, qui ne correspond pas vraiment à nos plans et projets ?

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Pardonner. Quand même.

Pardonner. Quand même.

Cette année, en préparant des enfants au sacrement du pardon comme catéchiste, je me suis retrouvée face à un cas de conscience : comment expliquer la beauté du pardon aux enfants, l’importance de se remettre en question et de pardonner, alors que moi-même, je me retrouve bloquée dans une situation blessante dans laquelle il m’est si difficile de pardonner ?

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Le temps de prendre le temps

Hélène Constantin est formée en physiothérapie et en philosophie, mère au foyer et catéchiste. Photographe familiale, elle est maman de quatre enfants et mariée à Nicolas.

État des lieux

Et moi qui croyais que j’étais sortie des grandes fatigues vécues après les naissances de mes 4 enfants… Voilà maintenant bientôt 3 semaines que nous sommes confinés chez nous… et bien c’est un peu comme si j’avais accouché d’un petit cinquième ! Mon mari doit en avoir marre que je lui réponde la même phrase tous les soirs, mais je n’en trouve pas d’autre : « je suis épuisée ». Il a d’abord fallu gérer les frustrations de chacun, après avoir pris mon courage à deux mains pour annoncer à l’une que sa première communion était reportée, à l’autre que son concours national de harpe pour lequel elle se prépare depuis 6 mois était annulé, à la troisième que non, on ne va pas aller ni à la piscine, ni skier, ni jouer avec la petite voisine. Voilà. Ça, c’était fait. J’ai alors pensé voir le positif : je vais pouvoir enfin trier, ranger, et lire. Je me suis donc fait une to do list de compet’, et me réjouissais de m’y mettre dès le lendemain. Ça, c’était en théorie. Après trois semaines à gérer ma compagnie créole, force est de constater 3 choses : ma to do list n’a pas avancée d’un poil. Je n’ai même plus le temps d’appeler une amie pour papoter. Et je suis littéralement crevée, entourée de mes 4 chérubins qui me demandent toutes les 6 min ce que je fais, pourquoi je le fais, et s’ils peuvent le faire avec moi.

Maman 100 profession(s)

On respire… tout va bien… ! Jusqu’au jour où les maîtresses ont commencé à envoyer le programme scolaire, semaine après semaine. Je suis donc mandatée par l’Etat pour remplacer les 4 maîtresses d’école : Il faut imprimer le programme, classer les matières par enfant, fixer des horaires, et passer sa journée à apprendre 7×8 et 6×9, se plonger dans la préhistoire (je déteste l’Histoire), expliquer la différence entre « ces » et « ses », apprendre à « écrire en lié », puis envoyer à chaque enseignante une photo du devoir sur le manchot empereur, une photo de la dictée, une photo de la leçon sur les tables de multiplication (je ne pensais pas les maîtriser à nouveau un jour !), une photo du pliage origami du jour, pour ensuite entendre sonner le natel toute la journée quand les maîtresses envoient les corrections de chaque exercice, qu’il faut ensuite montrer à l’enfant, et relire ses fautes avec chacun. Le tout, avec le petit dernier qui me tourne autour en me demandant de jouer à Croque-Carotte avec lui. Ben oui, il faut quand même un peu l’occuper : ce matin, pendant que ses sœurs travaillaient, il a eu la brillante idée de nettoyer les cailloux du jardin avec sa brosse à dents. Le pauvre, plus personne ne s’occupe de lui. Je vais m’arrêter là, et vous épargner mon agacement quand les profs de violon, de harpe et de piano s’y mettent aussi, en me demandant de les remplacer également !

Lâcher prise salutaire

Si seulement on savait pour combien de temps il fallait tenir… mais on ne sait même si ça va durer encore 2 semaines ou 2 mois. Je n’ai donc pas le choix : plus moyen de gérer et de maîtriser. Me voilà obligée de lâcher prise et de suivre les conseils de saint Matthieu : à chaque jour suffit sa peine. Ce n’est pas une méthode coué. C’est plutôt ce que le Seigneur m’appelle à faire depuis bien longtemps : arrêter de vouloir tout gérer, et Le laisser habiter mon quotidien. Lui Seul est mon appui, et c’est Lui qui me porte, en portant au passage mon sac à dos bien trop lourd pour moi. Cette période épuisante, est néanmoins magnifique : le temps d’oraison d’1h que j’arrive enfin (urgence oblige !) à prendre le matin avant le lever des enfants nourrit toute ma journée, que je passe alors en Sa Présence. Chaque heure, je Lui redis : « Seigneur, donne-moi la grâce de Te laisser être Dieu en moi. ». Et bien que je trouve cette « communion spirituelle » proposée par l’Eglise vraiment difficile à vivre, je peux me permettre de suivre de temps en temps la messe en semaine sur internet, ce qui n’était pas possible avant. Sainte Thérèse avait raison : Tout est grâce… Ce n’est pas une bonne période pour chercher à être reposée et détendue, on est bien d’accord. Mais quelle période idéale pour être présente à l’instant présent, et pour re-choisir chaque matin de laisser le Seigneur tout gérer, et s’appuyer sur Lui, et Lui seul. Il est venu le temps de se contenter d’être là, gratuitement, par amour. Et cela suffit.